L'art énigmatique de Jianzhan : formes et glaçures

Le Jianzhan Tenmoku , exemple célèbre d'émail cristallin ancien, est réputé pour sa forte teneur en fer. L'interaction entre la température du four et les conditions atmosphériques pendant la cuisson crée des motifs d'émail imprévisibles et uniques. Contrairement aux dessins ou aux gravures délibérés, ces motifs émergent naturellement, comme façonnés par les « dieux du four », conférant au Jianzhan un air mystique qui captive érudits et artistes depuis des siècles. Le Jianzhan Tenmoku présente généralement une épaisse couche d'émail à la texture riche et fluide.

Les quatre formes classiques

Les tasses Jianzhan se caractérisent par leur large ouverture et leur base étroite, évoquant des entonnoirs. Selon les variations du bord, de la panse et du pied, elles sont classées en quatre types principaux :

  1. Bouche ouverte – Le bord s'évase vers l'extérieur avec une lèvre arrondie, le ventre est droit ou légèrement incurvé et le pied est peu profond. Sa forme en entonnoir lui vaut le surnom de « Douli Jianzhan » (coupe en forme de chapeau).

  2. Bouche évasée – Similaire au style à bouche ouverte, mais avec une courbe extérieure plus prononcée au niveau de la lèvre, un ventre plus long et un pied peu profond. Les grandes coupes à bouche évasée sont rares et très prisées.

  3. Bouche froncée – Le bord se rétrécit légèrement vers l'intérieur, avec un pied court et une silhouette ronde et charnue. Certaines versions présentent une base solide et robuste.

  4. Bouche liée – Innovation distinctive des fours Jian, ce style présente une rainure subtile (la « ligne d'injection d'eau ») à environ 1 cm sous le bord. Ce détail fonctionnel permet de contrôler l'écoulement du thé et d'éviter les déversements. Son ventre légèrement arqué et son pied peu profond en font la forme Jianzhan la plus emblématique.

Les tailles varient de grande (plus de 15 cm de diamètre) à moyenne (11-15 cm) et petite (moins de 11 cm), les tailles moyenne et petite étant les plus courantes.

La magie des émaux Jianzhan

Les émaux de Jianzhan sont formés par cristallisation naturelle, ce qui leur vaut le nom d'« émaux naturels ». Leurs motifs sont impossibles à reproduire et varient infiniment à chaque cuisson. Les émaux se répartissent en cinq grandes catégories :

  1. Glaçure Wujin (bleu foncé) – Glaçure classique du four Jian, attestée dès la dynastie Song. Allant du noir laqué au noir verdâtre ou au brun soja, son élégance discrète incarne la simplicité. Les glaçures Wujin, plus fines, manquent souvent de motifs, caractéristiques du Jianzhan primitif.

  2. Vernis à la fourrure de lapin – Le style Jianzhan le plus emblématique, ainsi nommé en raison de ses fines stries semblables à de la fourrure. Les variations incluent des teintes dorées et argentées dues aux effets du four. Les lettrés de la dynastie Song, dont l'empereur Huizong et des poètes comme Su Dongpo, louaient sa beauté, la comparant à des « motifs semblables à du jade ».

  3. Glaçure Goutte d'huile / Taches de perdrix – Nommée ainsi en raison de ses mouchetures métalliques évoquant des gouttes d'huile ou des plumes de perdrix. Rares et difficiles à produire, ces glaçures scintillent de taches dorées, argentées ou irisées. Un bol Goutte d'huile des Song du Sud au Japon est classé trésor national.

  4. Yao Bian – La glaçure la plus rare et la plus vénérée, ornée de taches resplendissantes, semblables à des halos, qui passent du bleu à l'or sous la lumière. Il n'en existe qu'une poignée dans le monde, dont trois au Japon, considérés comme des « trésors nationaux ».

  5. Glaçure tachetée – Une catégorie diversifiée comprenant des teintes rouge kaki, cramoisi et à base de soja (vert, noir, jaune), résultant de transformations au four.

L'attrait de Jianzhan réside dans sa fusion d'art et de sérendipité : chaque pièce est un témoignage unique de l'alchimie du feu et de la terre.